RENCONTRE FELINE
Récit et photos de Renaud SERDET
« L’histoire commence par une froide nuit d’avril dans le massif Jurassien. Une de ces nuits où la bise vous glace les os, où le gel étend son linceul blanc sur toute chose. Une nuit où la nature semble figée, comme paralysée. La roideur ne gagne cependant pas tous les êtres vivants. Bon nombre d’animaux, profitant de la nuit, vont sortir de leur torpeur diurne pour chasser, manger ou être mangés, marquer leur territoire, se reproduire. Certains ne verront malheureusement pas le jour se lever. Telle est la loi de la nature.
Dans la nuit du 04 au 05 avril, un automobiliste circule sur une petite route du Haut-Jura quand, au détour d’un virage, une surprise de taille l’attend. Un lynx est en train de prédater un jeune chamois. La scène se déroule sur la route, au mépris de la circulation et de ses dangers.
Le lendemain, le cadavre du chamois, un jeune de l’année dernière, est retrouvé en contrebas de la route, à une quarante de mètres de la chaussée. Un piège-photographique est posé par un ami pour la nuit.
Le 06 avril vers 16 heures 30, mon ami me contacte pour me dire qu’il va
passer relever le piège-photo. Je le rejoins sur place. La proie est recouverte de terre, de feuilles, de brindilles. Ce qui n’était pas le cas lorsque le piège-photo a été posé. Le lynx est donc
venu manger durant la nuit où pendant la journée. Que va nous apprendre le piège-photo ? Nous nous apercevons que le lynx est venu une première fois à 20 heures 30, puis à 03 heures 30 et
enfin à 04 heures 15. L’animal est magnifique. Mon ami démonte son piège-photo et j’installe le mien. Nous quittons ensuite les lieux et nous bavardons quelques minutes près de nos véhicules. A
17 heures, nous partons. Je dois rentrer à mon domicile prendre mon matériel photographique ainsi qu’une toile camouflée, ceci afin de me mettre à l’affût à compter de 18 heures. A 17 heures 45
je reviens sur le site. Deux hommes sont présents. Immédiatement l’un d’eux me dit qu’il est arrivé à 17 heures 30 et qu’il a vu, depuis la route, le lynx sur sa proie. Mais alors, le lynx nous
observait-il lorsque nous relevions le piège-photo ? Je quitte ces deux hommes et me dirige vers mon appareil. Les vidéos me montrent que le lynx est arrivé à 17 heures 10, et
qu’effectivement il est parti à 17 heures 30 après avoir regardé à plusieurs reprises en direction de la route. Reviendra-t’il ce soir ? J’en doute. Néanmoins je décide d’affûter. Le
sous-bois ne me permettant pas de m’installer loin de la proie, je me dissimule à une quinzaine de mètres. L’attente commence......
Le 07 avril 2015 au lever du jour je viens m’assurer que le lynx est bien revenu se nourrir dans la nuit. Effectivement, une partie de la proie a été consommée. Je prévois donc de me mettre à l’affût en fin de journée. Je repose le piège-photo et quitte les lieux. A 17 heures je me stationne en bordure de route et je viens observer la proie depuis la chaussée. Pas de lynx, la voie est libre. Le temps de prendre le matériel photo et j’emprunte le sentier forestier. Arrivé à une quinzaine de mètres de la proie je m’accroupis précipitamment. Mon cœur bat à tout rompre. « IL » est là, majestueux. Il dégage un mélange de puissance et de grâce. L’émotion me submerge. Je perds quelques précieuses secondes en bidouillant l’appareil-photo. Il est toujours là. Il m’observe, puis regarde vers la route, avant de revenir poser ses yeux sur moi. Clairement, il analyse calmement la situation. Il est maître de lui, économe de ses gestes. Je déclenche 1 fois, 2 fois, 3 fois. Jamais en rafale. L’argentique m’avait rendu économe de mes déclenchements, et je crois que je ne parviendrai jamais à me défaire de cette habitude. Gêné, il décide de partir. Pas au grand galop, non. Mais comme un seigneur, à son rythme. Il me montre qu’il est sur son terrain, que c’est lui qui prend les décisions. Il n’emprunte pas le sentier mais reste en terrain accidenté. A une quarantaine de mètres il s’arrête, se retourne et me fixe intensément avant de disparaître comme un fantôme dans l’ombre rassurante du sous-bois. Je suis aux anges, bien que mes mains tremblent. Allez comprendre ! Cette rencontre ne s’est pas déroulée comme je l’avais prévu, ou plutôt souhaité. Mais qu’importe, nos regards se sont croisés. Le sien, envoûtant, presque hypnotisant. Le mien, émerveillé. Comment se fait-il que je ne l’ai pas vu lorsque j’ai observé la proie depuis la route ? Etait-il tapi derrière un rocher ? Sûrement. Il sait se rendre invisible. Le piège-photo m’indique que le lynx est arrivé dix minutes avant moi. Ainsi il n’a pas eu le temps de se nourrir convenablement. La faim le tenaille certainement. Je décide de rester à l’affût. L’espoir de le voir revenir avant la nuit dicte ma conduite.
La toile d’affût, laissée sur place le jour précédent, est prête à m’accueillir. Il est 17 heures 15, je m’installe......Les minutes passent. IL ne se montre pas. A force d’examiner le sous-bois, chaque arbre, chaque rocher vous devient familier. 19 heures 55, une forme sombre attire mon attention. Elle se trouve à une cinquantaine de mètres. La forme bouge, c’est LUI. Il est assis et regarde fixement dans ma direction. Un sentiment étrange m’envahit, mêlé d’excitation, de stress et d’émotion. Ne pas bouger, surtout ne pas bouger. Couché sur le côté je ne le quitte pas des yeux. Il se lève. Mon cœur s’accélère. Il vient vers moi. Il approche comme il approcherait d'une proie, tout en furtivité. Son regard de braise est verrouillé sur moi, ou plutôt sur cette masse sombre qui éveille sa méfiance. Sa progression est maîtrisée à la perfection. Il flotte plus qu’il ne marche. Ses pattes se meuvent dans un silence absolu, pas une branche qui craque, pas une feuille qui ne se froisse. L’art du prédateur. Jamais son regard ne me quitte. Ses pattes semblent être douées de leur propre vision. A quatre ou cinq reprises il s’assied tout en continuant à me fixer. A moins de dix mètres de sa proie il la regarde, puis me regarde. Il hésite. Pour ma part je suis aussi immobile qu’une statue. Je ne suis plus un homme, je suis la forêt. Il se décide à avancer jusqu’à sa proie. Il me fixe encore quelques secondes puis commence à arracher des morceaux de chair. C’est gagné, il mange. J’entends les petits os craquer. Quelle émotion. A cet instant je me demande si je vais pouvoir ne serait-ce que prendre au moins une image. J’attends environ cinq minutes. Il mange et ne semble plus se préoccuper de moi. A peine me jette t’il un coup d’œil de temps à autre. Je tourne la molette vidéo de l’appareil. Un déclic sec se fait entendre. Le lynx ne réagit aucunement à ce stimulus auditif. Je tourne une vidéo puis je réenclenche la molette. Déclic sec. A nouveau aucune réaction. Il entend évidemment le bruit mais il ne le juge pas menaçant. Je fais maintenant partie intégrante de son environnement. J’en profite pour déclencher à plusieurs reprises. Les images sont dans la boite et il continue à manger tranquillement. Malheureusement la lumière, cette satanée lumière si chère à nos capteurs, se fait de plus en plus ténue. Je tente une photo au flash. Le lynx l’accepte sans broncher. Je suis sur un nuage. Voilà bien un lynx sur de lui et très conciliant avec moi. Il fait maintenant nuit noir. Je continue à faire des images à l’aveugle. Seul l’écran de contrôle me permet de voir ce que fait l’animal. Cela fait maintenant quarante minutes qu’il mange. Je commence à l’entendre se déplacer et gratter autour de sa proie. Les clichés m’apprennent qu’effectivement il a terminé son repas et qu’il a entrepris de dissimuler le cadavre. Quarante cinq minutes se sont écoulées. Finalement, je n’entends plus aucun bruit. J’attends encore dix minutes puis, seul le bruit du silence étant perceptible, c’est dire, je me lève, je rassemble mon matériel, j’allume ma lampe frontale et je descends vers la proie. Mon idée première est de récupérer le piège-photo qui doit être saturé de vidéos. Vers la proie, je balaie l’espace autour de moi avec le faisceau de ma frontale. Et là, oh stupeur, IL est là, tapi à environ trois mètres derrière la proie, en partie dissimulé par un arbre. Il m’observe. L’instant est magique. A cet instant je suis à trois mètres de lui et je l’entends émettre un grognement rauque et sourd. Je lui parle calmement. Il me fixe toujours. Je recule jusqu’à mon piège-photo. Pendant que je démonte tranquillement l’appareil, le lynx est toujours là. Il ne grogne plus. Je récupère l’ensemble de mon matériel et je me mets en route, non sans avoir une dernière fois remercié le seigneur de nos forêts pour les instants magiques qu’il m’a autorisé à vivre.»
TEMOIGNAGE DU PLATEAU DU RETORD (11 SEPTEMBRE) :
" Bonjour Christian
AUTRE TEMOIGNAGE :
Au mois de juin, lors de sa collecte de lait vers 2 heures du matin, le conducteur d'un camion-citerne a eu la surprise d'observer un lynx couché sur le talus au bord de la route . Le chauffeur a arrêté son camion et a voulu sortir, le lynx s'est levé, a grondé !! et puis il est parti tranquillement.
Dans son récit, John Vaillant évoque le braconnage du tigre de Sibérie à la frontière Russo-Chinoise. Plus près de nous, dans le Bugey, un chasseur m'a affirmé qu'un amateur de trophées lui avait laissé entendre qu'il aimerait bien avoir un lynx boréal naturalisé dans son pavillon de chasse !!. Le chasseur m'a indiqué qu'en quatre heures de voiture la livraison pouvait se faire!!! Heureusement, qu'il n'a pas été tenté, et s'il l'avait fait, il ne m'en aurait certainement pas parlé !! Comme quoi......la vigilance doit être de mise !!
Dans son récit, John Vaillant indique que pour soigner les malades l'un des protagonistes du livre utilisait la graisse de lynx !!!! et la viande de l'animal serait succulente d'après les habitants de la région du Primorié (Russie).
Vidéo du lynx : frustrante, mais il est là....!!!
DEPLACEMENT DU LYNX BOREAL SUR LE SITE QUE JE SURVEILLE :
A partir de 22 vidéos exploitables et prises sur le même site, j'ai pu établir ce diagramme représentant les horaires et le nombre de passages du lynx du début de soirée à l'aurore.
Encore un témoignage : le 5 septembre, dans la vallée de l'Ain, deux personnes qui allaient faire de l'escalade ont observé le lynx qui se déplaçait au pied de la falaise !!!
Au sujet d'une éventuelle idée d' expérimentation d'effarouchement du lynx boréal par électrification de la proie (le mouton ici en l'occurrence) j'ai interrogé un
Service de l'Etat, je vous mets la réponse obtenue :
D'un point de vue réglementaire, cette expérimentation serait soumise à une dérogation
à la protection des espèces pour perturbation intentionnelle d'une espèces protégée avec passage au CNPN.
D'un point de vue technique et expérimental :
CORVEISSIAT :
Sur la commune de Corveissiat, à la ferme du
bout du monde, les propriétaires de cette petite exploitation paysanne ont subi plusieurs attaques sur leurs ovins cette année.
PAROLE DONNEE A UN AUTRE ELEVEUR :
EVOSGES :
Un témoignage étonnant :
Pour le 15 août, lors de la soirée nocturne "pêche" organisée sur ce plan d'eau du Bugey, deux pêcheurs intrigués par le bruit qu'ils entendaient derrière eux sont sortis de leur tente et sont allés voir ce qu'il se passait et ils ont pu observer et photographier un lynx boréal !!!
P.S : il est possible que je puisse vous montrer la photo
TEMOIGNAGE :
le week-end dernier (19-20 septembre), sur une même commune, le lynx a été décantonné à deux reprises par les
chasseurs : la première fois samedi matin par le pisteur qui faisait les pieds (sangliers), le lynx est parti à 5 mètres de la personne et du chien qui était tenu en laisse
!!!. Dimanche après-midi, sur la même commune, probablement un autre lynx est rentré dans la battue qui avait lieu sur un autre secteur, malheureusement pour lui, les chiens
sont partis après !!. Je ne sais pas la suite, probablement que le lynx s'est réfugié dans un arbre car dans ce secteur il n'y'a pas de falaise donc difficile pour le lynx d' échapper à ses
poursuivants.
Dans cet élevage caprins près d'Hautevilles-Lompnes , il n'y'a jamais eu d'attaques du lynx sur le troupeau. Un
jour, les propriétaires ont trouvé une chèvre morte (sans blessure). Afin que l'équarrisseur puisse l'enlever le lendemain, elle a été sortie de l'enclos en soirée et mise au bord de la route. Le
matin, il manquait un cuissot ????. Le lynx serait-il passé par là ??
Sur cette route forestière du Bugey, un habitant du village du plateau du Retord a eu la chance d'observer en 2012, une femelle et ses trois jeunes. Pour le moment, la plupart des observations de femelles avec des petits sont réalisées au bord des routes !!!.... d'après les témoignages collectés.
Idem sur cette autre route, observation d'une femelle et ses trois jeunes en 2013 sur la commune de Meyriat.
Cet été, sur la commune de Champdor, un agriculteur a pu observer dans un de ses champs, pendant plusieurs jours un lynx boréal qui venait se nourrir sur un chevreuil !!!.
Toujours cet été, après le col de Cuvillat, les habitants des premières maisons, ont pu observer et admirer le lynx boréal en soirée.
Si le lynx boréal, fait toujours l'objet d'une attention particulière de la part des bugistes, deux espèces
commencent à lui voler la vedette : le vautour fauve qui a été observé sur différentes communes du plateau
d'Hautevilles ce été dont un groupe qui a stationné sur la commune d'Izenave et aussi le cerf qui a été
régulièrement observé sur de nouveaux territoires du Bugey, sans oublier l'observation probable d'un loup
!!.
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Un grand merci à Serge Monfort pour l'autorisation d'utiliser les illustrations